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Interview

INTERVIEW AVEC PHILIPPE JALBY :
« JE VEUX PROPOSER PLUS DE PRODUITS FABRIQUÉS EN OCCITANIE ! »

Rencontre avec Philippe Jalby, le co-fondateur d’Ethic & Chic, le premier magasin écoresponsable de France, inauguré il y a 20 ans, et également président de l’association de commerçants de la Bourse Jacobin

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La Fédé : 

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?

 

Philippe Jalby :

Moi c'est Philippe Jalby, j'ai 47 ans et j'ai la chance d'être le patron des deux magasins Ethic & Chic, qui est la plus ancienne boutique de commerce équitable en France spécialisée en mode éthique. On a fêté nos 20 ans cette année.

 

Fédé : 

Pour commencer, qu'est-ce qui vous a poussé à adopter un positionnement éthique pour votre commerce ? Ou s'agissait-il d'une réponse aux attentes de la société ?"

 

P.J : 

C'est un choix de vie. Après mes études, je suis parti deux ans faire du volontariat en Afrique de l'Ouest où j'ai enseigné dans une petite ville du Burkina Faso, pas loin de la frontière malienne. Au retour en France, forcément, on est transformé par une expérience comme ça.

J'ai d'abord travaillé quelques années dans la grande distribution pour valoriser mon diplôme et pour me faire de l'expérience. Et puis au bout d'un moment, j'en pouvais plus. Il y a un moment où tu te dis que ces valeurs-là t'étouffent.

À ce moment-là, j'ai jeté l'éponge. Puis, il y a un de mes amis, qui avait fait du volontariat comme moi, et qui avait lancé le projet de boutique Ethic & Chic qui m’a proposé d’y participer, et c'est comme ça que je suis rentré dans l'aventure des boutiques Ethic & Chic.

C'était logique car c'était à la fois mon expérience et mes valeurs. On veut montrer que c'est possible de vendre des vêtements, des chaussures, des accessoires de mode fabriqués dans des conditions sociales et environnementales qui soient irréprochables et qu'on puisse arriver à en vivre. Il s'agit vraiment de montrer qu'il est possible de s'habiller et de se chausser différemment.

 

La Fédé :

Rencontrez-vous des défis particuliers liés au fait de tenir une boutique éthique, en comparaison avec des concurrents ou d'autres commerces qui ne le sont pas ?

 

P.J :

Le terme même de "commerce équitable" pose un problème. En général, un commerçant achète à bas prix et vend à prix élevé, avec une marge au milieu.

Plus je paye peu pour mes produits et plus je les vends cher, plus ma marge est importante et mieux je vis. Donc, vouloir acheter des produits de qualité, tout en garantissant un vrai salaire à ceux qui fabriquent ces vêtements et chaussures, et en les vendant à un prix raisonnable pour les Français moyens, implique nécessairement des contraintes d'achat et de marge bien plus complexes que celles des magasins traditionnels.

 

Fédé : 

Et pour autant, ça ne change pas du tout votre objectif de continuer dans cette direction.

 

P.J :

Non, je veux dire que c'est un engagement sincère. C'est vraiment un choix de vie. C'est une envie de prouver que c'est possible. Donc je n'imagine pas pouvoir faire autre chose ou autrement.

 

Fédé : 

Avez-vous des produits phares dont vous êtes les plus fiers en termes d'éthique ?

 

P.J : 

Les choses ont énormément évolué, ce que l'on faisait il y a 20 ans par rapport à ce que l'on propose maintenant. Ce n'est pas tout à fait la même clientèle, ce n'est pas les mêmes produits. Il y a 20 ans de ça, un produit équitable et écologique, bio, c'était un t-shirt en coton bio et en chanvre, c'était des produits sur lesquels il n'y avait pas de produits chimiques, par exemple.

Le côté éthique n'a pas changé, sur les conditions de travail des personnes, c'est toujours pareil.

On veut des personnes qui travaillent avec un vrai salaire, qui ont le droit à des syndicats, avec une égalité homme-femme. Mais sur l'aspect écologique, les choses ont beaucoup évolué. Par exemple, il y a 20 ans de ça, il n'y avait pas encore de mouvement végane réellement structuré, il n'y avait pas de demande là-dessus, ça fait partie des dernières choses qui ont émergé.

On a toujours fait du made in France. Mais le made in France, depuis quelques années, on en parle de plus en plus.

Actuellement, par exemple, on va vendre des sacs en cuir fabriqués à Graulhet dans le Tarn, juste à côté de Toulouse. Je vais avoir des tops qui vont être cousus par quelqu'un de Toulouse avec des tissus qui avaient été achetés à Lyon, fabriqués à Lyon.

On travaille avec la marque de Jeans 1083 qui est 100% fabriqués en France. Donc on a des produits un peu spécifiques, mais nous avons aussi plein de produits différents qui vont répondre à des attentes différentes, de clients différents: à des gens véganes, à des gens sensibles au made in France, à des gens sensibles au commerce équitable...

Donc il est vrai que l'offre que j'ai, elle n'est pas unique, elle est multiple. Par contre, elle répond toujours présente. Le cahier des charges, numéro 1, c'est dans quelles conditions c'est fabriqué.

Il y a déjà 17 ans, quand on a commencé à faire de la chaussure, on faisait de la chaussure fabriquée en Espagne en nous disant, c'est fait de l'autre côté de la frontière, elles ne font pas beaucoup de kilomètres ces chaussures, le coût carbone est faible.

De nos jours, il faut être conscient que le plus gros danger sur les défis écologiques qu'il y a devant nous, ce n'est plus tellement les produits chimiques.

On sait qu'il y en a partout, on a plein de nos organismes, des choses qu'on n'arrive pas à éliminer, certes, mais c'est le réchauffement climatique qui pose le plus de problèmes actuellement.

Donc moi, de mon côté, je veux être de plus en plus exigeant là-dessus et travailler avec des fournisseurs qui vont donner de plus en plus de preuves sur des produits avec un bilan carbone le plus faible possible.  J'aurais fait ça il y a 15 ans, personne n'aurait compris.

Et cette démarche-là que je veux aborder maintenant plus sérieusement, que j'ai déjà commencé il y a quelques années, c'est un petit peu l'objectif à venir pour moi, pour les boutiques.

Fédé : 

Est-ce que vous pensez à certains défis spécifiques auxquels les commerçants font face par rapport à l'écologie ? Si pourquoi, peut-être qu'ils ne veulent pas ?

 

P.J :

Défi, disons que pour ceux qui voient ça comme une contrainte, forcément, il va falloir aller de toute façon, de gré ou de force, vers des produits de plus en plus écologiques et de plus en plus carbone neutre. Parce que de toute façon, si on continue comme ça, ça ne pourra pas durer éternellement.

Donc à partir du moment où nous, depuis 20 ans, on a décidé d'être acteurs là-dessus, pour nous, c'est notre univers, c'est normal. Après, je comprends que d'autres commerçants, tout d'un coup, ça apparaît comme des contraintes. Mais le mot contrainte, moi, ça me fait un petit peu sourire, parce que des contraintes, on en a partout autour de nous.

On ne peut pas rouler trop vite, on ne peut pas rouler en ayant un but d'alcool... Je veux dire, des règles qui nous empêchent de faire ceci ou cela, il y en a plein. Donc si, pour protéger la société, pour ne pas dire la civilisation, on ne peut pas aller trop loin non plus... Il y a des règles sur l'écologie qui doivent s'imposer pour assurer un avenir à notre société, justement, ça fera juste partie de nouvelles lois, comme il y en a tellement aujourd'hui, pour préserver la pudeur, la santé...

Fédé : 

Comment êtes-vous arrivé à présider cette association de commerçants ?

 

P.J :

Alors, au tout départ, l'association s'était montée parce que le maire, avant M.Moudenc, M. Cohen, voulait pouvoir discuter avec des associations représentatives de chaque quartier pour faire remonter les informations de ces quartiers-là, plutôt que d'avoir un commerçant par-ci, par-là, qui frappe à la porte et de parler en son nom.

Donc, c'est pour ça que l'association s'est montée. Ce n'est pas moi qui l'ai montée, c'était une coiffeuse voisine de mon autre magasin qui l'a fait. Quand elle-même a dû passer la main, parce qu'elle avait d'autres projets professionnels, c'est elle qui est venue me voir en me disant « Philippe, je veux absolument que tu reprennes l'association, il ne faut pas que ça s'arrête là », parce qu'elle estimait que j'avais le bon profil pour pouvoir parler à la fois à des politiques, aussi bien de droite que de gauche, et c'est vrai que j'ai peut-être cette ouverture d'esprit-là et cette capacité-là, donc elle a pensé que j'étais le bon candidat. 

 

Fédé : 

En tant que président, quel est votre rôle au quotidien ? Est-ce que vous avez des tâches au quotidien ou davantage sur du long terme? Prenez-vous des responsabilités ?

 

P.J :

Au quotidien, il peut y avoir des commerçants qui viennent me voir, qui viennent me poser des questions parce qu'ils viennent de s'installer dans le quartier ou parce qu'ils ont une problématique particulière, ils ne savent pas à qui s'adresser auprès de la mairie ou de la CCI, par exemple, et moi, je peux être le lien. Après, il peut y avoir des projets à long terme où, par exemple, la mairie va nous dire, on a envie de travailler sur tel sujet, on a besoin de faire remonter des besoins du terrain et donc, on participait, à l’époque, à des réunions de travail.

Fédé :

Vous êtes-vous fixé des objectifs en tant que rue ? 

 

P.J :

Oui, alors, on a déjà fait de l’évènementiel. Pendant deux années d'affilée, on avait organisé une fête de quartier « C'est un monde, ce quartier », parce qu'on a beaucoup de diversité. 

On est un quartier où il n'y a que des indépendants ; il y a des librairies, il y a des magasins de prêt-à-porter, des restaurants chinois, coréens, français, italiens. Enfin, on a une grosse diversité dans le quartier, donc on voulait mettre ça en avant. On a réorganisé une fête sur le thème, justement, de la culture avec toutes les librairies qu'on a dans le quartier. C'était l'an dernier. 

 

 

Fédé : 

Sur l'avenir, quelles sont selon vous les tendances à venir pour les commerces Ethic & Chic, mais aussi pour les commerçants locaux en général ? Est-ce que pour vous, il y a des tendances qui ont pas encore émergé et que vous aimeriez mettre en place ou que vous voyez comme un rebond ?

 

P.J :

Alors il y a une tendance...personnellement, j'aimerais orienter davantage mes boutiques.

 

Il y a 20 ans, c'était du commerce équitable. Donc on allait chercher des produits en Inde, au Népal, au Pérou, fabriqués par des personnes qui étaient plutôt en difficulté sociale et à qui on allait proposer des conditions de travail et de rémunération qui soient bonnes. 

On a toujours fait du made in France en se disant qu'ici aussi, il y avait des gens qui avaient besoin de travailler et qu'au moins, quand c'est fait en France, on sait qu'il y a une sécurité sociale, on sait qu'il y a des congés payés, on sait qu'il y a le droit des syndicats, des choses comme ça. 

J'aimerais arriver à développer des projets de plus en plus locaux.

On a perdu énormément d'emplois et de savoir-faire, malheureusement, dans le milieu du textile en France.  Il y a des projets qui essayent de relancer ça. Je pense au projet de la coopérative Virgo Coop qui essaye de refaire du tissu en Occitanie à base de laine.

Donc actuellement, je suis leur projet d'assez près. Et si à un moment donné, je peux être, moi, partie prenante d'un de ces projets-là, pourquoi pas produire moi-même des chaussettes ou des t-shirts, j'aimerais pouvoir participer à ça. Mon objectif est d’avoir un peu plus de made in France, mais même plus locaux, c'est-à-dire carrément d'Occitanie.

 

Fédé : 

Avez-vous un conseil que vous aimeriez donner à un jeune entrepreneur qui aimerait se lancer dans un commerce éthique ?

P.J :

Il faut être patient. Il ne faut pas être trop gourmand. 

Il faut se dire qu'il peut y avoir des phases ascendantes et puis des phases descendantes et qu'il faut savoir être patient. C'est aussi faire preuve de tempérance. Et puis après, il faut faire des choses simples. Avoir une idée révolutionnaire ne suffit pas forcément. Les gens qui, en général, s'en sortent bien et qui ont une activité qui tourne, c'est rarement des gens qui ont eu une idée révolutionnaire. C'est surtout des gens qui savent bien faire et qui font bien des choses dont les gens ont déjà besoin.

 

Fédé:

Qu’aimeriez-vous dire aux Toulousains et Toulousaines qui ne vous connaissent pas encore ?

 

P.J :

Je pense qu'un des gros freins qu'il y a par rapport à des boutiques de mode éthique comme la mienne, c'est le style. Venez voir, la mode éthique ce n'est plus des ponchos. Le style a largement évolué.

Venez aussi découvrir nos prix. C'est sûr qu'on est plus cher que Primark ou que H&M, évidemment, par contre, on est beaucoup moins cher que des magasins haut de gamme. On est sur une moyenne gamme. Un jean Levis, peut vous coûter entre 120 et 150 euros. Moi, j'ai des jeans entre 100 et 140 euros, par exemple.

Donc, aussi bien au niveau du style qu'au niveau du prix, les gens ont souvent une image fausse et des idées préconçues.

Je vous invite à venir les déconstruire en revenant dans le magasin ! 

📍 Venez shoppez chez Ethic & Chic 

29 Rue Léon Gambetta

39 Rue Peyrolières

31000 Toulouse !

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